Imagine toi en pleine lumière de minuit, entouré de falaises abruptes et de l'océan, tandis qu’un Macareux atterrit maladroitement à quelques mètres de toi. Cet été, c'est dans ce décor splendide que j'ai vécu deux semaines inoubliables, accompagné de Marion et d’Antoine, un ami photographe.
A travers cet article je vais te partager notre expérience dans le pays des Élans et des Macareux, une aventure entre dépaysement et rencontres inoubliables avec la faune Norvégienne.
Pourquoi un voyage en Norvège ?
Si tu me connais un peu, tu sais que je n’ai pas pour habitude de partir loin et que je suis très attaché à la faune locale. Je tiens à rappeler que la biodiversité, riche et fascinante, est toujours à portée de main, sans nécessiter de longs voyages. Cet article n’est donc pas une incitation à voyager, mais un récit de mon petit périple.
Pour moi, faire un voyage en Norvège relevait presque de l’inédit, je n'étais jamais parti plus loin que le sud de l’Allemagne. Je me suis laissé tenter par les mythes norvégiens, par ses montagnes, ses côtes, son soleil de minuit et bien évidemment ses espèces emblématiques.
La route vers le Nord : une aventure à part entière
Afin de vivre une expérience plus immersive et d’avoir une plus grande liberté sur place, nous avons décidé de passer nos deux semaines en van aménagé de location (le grand luxe ✨). L’objectif était d’aller directement dans notre point défini le plus au nord, et de descendre petit à petit au fur et à mesure des jours.
Notre périple a commencé par plus de 30 heures de route en deux jours pour rejoindre notre premier secteur, à l’Ouest de la Norvège. Traverser la Belgique, l’Allemagne et le Danemark fut un mélange de paysages monotones, de fast-foods trop nombreux et de nuits courtes sur des parkings bondés.
Photo de notre fidèle van et localisation approximative de notre premier point d'arrêt Norvégien !
Nous sommes arrivés à destination à 4h30 du matin. Mais il n’y avait pas de place pour la fatigue, une lumière douce baignait déjà le paysage. Et comme si le destin nous écoutait, une Loutre d’Europe est venue nous accueillir dès nos premiers pas hors du van. Ni une ni deux, nous avons donc pris notre matériel photo et nous nous sommes mis en marche, le sommeil n’étant pas la priorité du voyage…
Arrivée très matinale sur notre premier point d’arrêt après plus de 30 heures de route !
Sur la terre des oiseaux clowns
Notre premier objectif était clair : observer et photographier les Macareux moines dans leur habitat naturel. Ces oiseaux emblématiques, symboles de la LPO, sont bien difficiles à observer en France, où ils nichent uniquement au niveau des Sept-Îles, en Bretagne. Le seul moyen d’aller à leur rencontre est de les observer depuis un bateau. Avec Antoine nous avons fait l’excursion en 2021. Étant sujet au mal de mer, je ne vous raconte pas le trajet… Et en plus on n’a vu aucun Macareux.
Trêves de bavardages, retour en Norvège où l’espèce est beaucoup plus répandue et niche sur les falaises côtières.
Nous sommes restés 2-3 jours sur place à observer la colonie qui ne compte pas moins de 200 000 individus.
Les soirs, nous avons pu assister à un phénomène assez spectaculaire. Imagine un paysage magnifique mêlant océan et archipel, dans une atmosphère lumineuse douce et harmonieuse. Un cadre parfait pour contempler l’horizon pendant des heures. Mais dès 20h30, le calme et la sérénité du lieu laissent place à une agitation peu commune. En effet, la colonie d’oiseaux clowns se réveille. Les Macareux commencent à sortir de leur terrier. Leur horloge interne s’active, c’est l’heure de dîner. En quelques minutes à peine, un ballet incessant se met en place. Les Alcidés enchaînent les allers retours entre l’océan et la falaise et ce, sans répit pendant plus de 2 heures.
Le moment de tranquillité s’est vite transformé en agitation collective assez comique. Il faut savoir que les Macareux sont très maladroits que ce soit sur terre ou dans les airs. Leur atterrissage ressemble plutôt à un crash aérien qu’à un mouvement maîtrisé. Ils sont cependant plus à l’aise dans l’eau lorsqu’ils plongent pour attraper leurs proies puisqu’ils atteignent généralement 20 à 30 mètres de profondeur et sont capables de rester environ 1 minute sous l’eau.
Peu farouches, certains individus étaient posés à quelques mètres de moi sans aucune crainte. Il est vrai que cela facilite les possibilités photographiques, surtout avec les lumières exceptionnelles aux teintes bleues / violettes.
J’ai profité de ce comportement pour réaliser deux clichés distincts :
Un portrait serré pour mettre en avant leur tête si singulière. Leur caractère non craintif m’a permis de me déplacer afin d’obtenir le cadrage que je désirais. J’avais pour objectif de mettre un flou au premier plan et je voulais que l’arrière plan fasse ressortir l’atmosphère crépusculaire violette de cette soirée. Je me suis donc positionné jusqu’à ce qu’à avoir la teinte désirée. L’arrière plan correspond aux falaises visibles sur la photo d’ambiance.
Une photo d’ambiance, intégrant le Macareux dans son environnement. L’animal, le décor et cette lumière si particulière étaient parfaits pour cet exercice. j’ai donc abandonné ma longue focale de 400 mm pour passer sur un objectif grand angle. Aucun flou n’est donc visible sur cette photo car la mise au point porte sur tous les éléments du paysage.
Les deux photos n’ont pas grand chose en commun dans leur composition et pourtant je les ai prises exactement au même endroit, à quelques mètres près. Il est certain que le caractère facile du Macareux m’a été d’une aide inestimable pour réaliser ces deux clichés, sans que l’animal ne semblait être dérangé.
Macareux moine (Fratercula arctica)
Des étoiles et des souvenirs pleins les yeux, nous nous sommes ensuite dirigés vers notre second objectif : les Élans. Après quelques heures de route, une baignade improvisée dans un lac glacial, une rencontre inopinée avec une femelle de Lagopède alpin et ses petits, nous sommes arrivés à bon port, dans le cœur des terres norvégiennes. Les célèbres panneaux “attention élan” étant bien présents en bord de routes.
A la rencontre des géants discrets : les Élans
Les premières observations ne se sont pas faites attendre. Même de loin à travers la longue vue, j’ai bien cerné la carrure de la bestiole. Pour information, il s’agit de la plus grande et la plus massive espèce de Cervidé. Pour te donner une idée de l’envergure impressionnante des élans, voici un tableau comparatif avec les Cervidés que l'on croise en France :
Taille au garrot (en m) | Longueur du corps (en m) | Masse (en kg) | |
---|---|---|---|
Chevreuil européen (Capreolus capreolus) | 0,6 à 0,9 | 0,9 à 1,25 | 20 à 35 |
Cerf élaphe (Cervus elaphus) | 1 à 1,5 | 1,5 à 2 | 160 à 250 |
Élan (Alces Alces) | 2 à 2,3 | 2,5 à 3 | 500 à 800 |
Bref, tu l’as compris, mais un Élan c’est immense, plus de 2 fois plus grand et imposant qu’un Cerf élaphe. Même un jeune faon d’Élan est plus massif qu’un Chevreuil mâle adulte. Avec Antoine et Marion nous avons eu le privilège d’en observer, laisse moi t’expliquer.
Nous étions dans une grande réserve naturelle avec une interdiction de sortir des chemins balisés. Soucieux de notre éthique photographique (limiter le dérangement reste pour moi une priorité absolue), nous cherchions avec Antoine un moyen de faire de belles observations depuis le chemin. Sauf que pour rappel, la réserve est très grande, et les seuls élans visibles étaient à environ 1 km de ce chemin. Pendant que nous réfléchissions à une stratégie, ou envisagions un éventuel abandon, nous sommes montés dans un observatoire. Et depuis cet observatoire nous avons repéré une femelle, allongée dans les landes, à une dizaine de mètres d’un chemin. Ni une, ni deux, Antoine et moi sommes allés au niveau de la femelle qui ne pouvait pas nous voir et nous en avons profité pour monter nos trépieds et des petits filets de camouflage. Marion était restée à l’observatoire et nous donnait des indications sur le comportement du grand Cervidé tout en profitant des autres espèces présentes sur le secteur, comme le Hibou des marais.
Le matériel était prêt, tout était installé. Il suffisait juste que l’Elan se lève pour apparaître directement dans le champ de vision de nos appareils. Et une heure plus tard, sans prévenir, elle s’est levée. C’était majestueux de l’observer d’aussi proche. Sur le moment nous étions euphorique et heureux de pouvoir observer et photographier un emblème de la Norvège. Mais ce moment fut encore plus exaltant lorsque que nous avons compris que la femelle n’était pas seule. Elle était accompagnée de son jeune faon, et nous avons pu profiter de leur présence et de leurs interactions pendant au moins 1h30. Je pense que ce fut l’un de mes plus beaux affût photo.
Elan (Alces alces) - Malgré la présence de lignes électriques en fond, cette photo illustre parfaitement le lien qui unit cette mère et son “petit” qui nous ont offert un moment d’observation inoubliable.
Laisse moi te raconter un petit détail concernant la photo ci-dessus. Les Elans ne paraissent ici pas très hauts mais dis toi que les landes dans lesquelles ils sont avaient une hauteur d’au moins 80 cm voire 1 m… Donc je te laisse imaginer leur taille réelle…
Après toutes ces belles émotions et expériences dont certaines que je n’ai pas le temps de te raconter, nous étions déjà à la moitié de notre séjour. Nos deux objectifs principaux étaient réussis donc nous avons laissé libre court à l’improvisation.
Imposants mais élégants Boeufs musqués
N’étant pas loin du massif de Dovrefjell, nous sommes allés y faire un tour. Il s’avère que par pure coïncidence (non, c’était volontaire), le Boeuf musqué a été réintroduit dans cette région au XXème siècle. Il s’agit de la dernière population européenne.
Et bingo ! Lors d’une randonnée nous sommes tombés dessus. Sur place, de nombreux panneaux et de locaux précisaient qu’il ne fallait pas s’approcher à moins de 300 ou 400 mètres d’eux car, je cite : “les Boeufs musqués préfèrent charger plutôt que fuir lorsqu’ils sont dérangés”. Autant vous dire que nous avons bien respectés les consignes à la lettre. Déjà que ma priorité est de le limiter le dérangement, ma seconde priorité était d’éviter de me faire charger par ces grosses bestioles d’environ 300 kilos. Surtout que malgré leur apparence trapue et lourde, elles peuvent atteindre 60 km/h, soit 16km/h de plus que la vitesse de pointe d’Ushain Bolt pendant son record du monde au 100 m en 2009.
Malgré tout ce que je viens de te raconter, les bœufs musqués possèdent une indéniable prestance. Leur démarche paisible et mesurée confère une impression de sérénité. Les deux individus que nous avons eu la chance d’observer une grande partie de l’après-midi dégageaient une aura apaisante, presque envoûtante.
C’est pour toute ces raisons que j’ai décidé de les photographier allongés au repos dans un décor imposant, à leur image.
Boeuf musqué (Ovibos moschatus)
Suite à cette rencontre qui restera, encore une fois, gravée dans mes souvenirs, il était temps de terminer la randonnée que nous avions entamée. Nous étions de retour au van vers 23h30, la nuit n’était pas encore complètement tombée, c’était assez drôle comme sensation.
Direction le sud
Après plus d’une dizaine de jours passés à la recherche d’animaux sauvages, il était temps de redescendre petit à petit vers le sud en entamant le trajet retour. Puisque nous sommes passés à côté, nous avons pris un peu de temps pour visiter les capitales de Norvège du Danemark, respectivement Oslo et Copenhague.
Notre dernier arrêt photo a eu lieu en Suède, au sein de la réserve de Getterön qui accueille de très nombreuses espèces d’oiseaux en migration mais également en nidification associées aux littoraux (Grue cendrée, Avocette élégante, Râle d’eau, Panure à moustache, Vanneau huppé, limicoles en tous genres et la liste pourrait encore durer longtemps).
Conclusion
Ce voyage était une grande première pour moi. La Norvège est un pays qui fait rêver, et je comprends pourquoi. Un des éléments qui m’a marqué, c’est la faible densité démographique et les espaces naturels à perte de vue. Il était possible de rouler plus de 3 heures d’affilée sans rien croiser d’autres qu’une station essence et quelques bâtiments alentours. Dans la majorité des cas il n’y avait jamais de paysages agricoles étendus. Il s’agissait uniquement d’espaces naturels (forêts, toundra, fjord, montagnes, …) qui s’étalaient encore plus loin que notre champ de vision.
En France métropolitaine, la densité est estimée à 120 habitants/km2 (INSEE, 2021). A titre de comparaison, cette valeur est de 18 habitants/km2 en Norvège (France Diplomatie, 2024).
Bien que j’ai eu un peu de mal, par conscience écologique peut-être, à mettre en avant ce voyage à travers cet article, je suis content de l’avoir partagé à travers cet article. Ce séjour restera gravé dans ma mémoire, non seulement pour les rencontres incroyables avec la faune norvégienne, mais aussi pour les leçons qu’il m’a apportées. Je remercie encore Antoine et Marion pour ces deux semaines qui nous ont laissées de nombreuses rencontres et de nombreux souvenirs exceptionnels de différentes natures. Peu importe ce qu’il se passe, je n’oublierai rien. Hâte d’y retourner pour tenter d’observer d’autres espèces et d’autres paysages que nous n’avons pas eu l’occasion de voir.
Mais en attendant je vais retourner faire de la photo à côté de chez moi pour mettre en avant nos petites bestioles locales qui sont toutes aussi incroyables. Même derrière chez nous, la nature nous offre toujours des moments précieux. À nous d’en profiter et de la préserver.
Et toi, quelles expériences as-tu eu avec la faune sauvage ?
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Hermann
PS : Pour l’occasion nous avons sorti un calendrier 2025 avec Antoine qui reprend 13 photos de ce voyage. N’hésite pas à commander ton exemplaire ou un autre article en cliquant juste ici ! Merci de soutenir notre travail 🙏
Très sympa cet article, un voyage magnifique et des animaux bien différents de ceux que l'on rencontre au coin d enos rues. C'était dans l'été 2024 ? Régis
Très bel article. J'apprécie ta conscience écologique mais il est important de montrer cette faune pour prendre conscience qu'il faut la préserver et se rappeler que nous humains on est peu de chose dans cette immensité. Cet article m'a rappelé ma rencontre avec un original dans le Parc Jacques Cartier au Québec. Je pense que c'est une destination qui te plairait.
Sinon pourquoi pas un livre photo sur ton aventure norvégienne 😉
Tres bel article. Il en faut d’autres pour mettre en valeur et en contexte les différentes photographies.